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Pauvre folle, de Chloé Delaume : entre passion et fiction

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Poursuivant son expérimentation littéraire de l’autofiction, Chloé Delaume plonge ici dans les rouages d’une passion amoureuse aussi poétique qu’empêchée.

Dans le contexte social, économique et écologique qui est le nôtre, au cœur de cet « effondrement global » qui « se déroule sans panache et manque de mise en scène », Clotilde prend le train pour Heidelberg, en Allemagne. Elle profite alors des heures qui s’ouvrent devant elle et des paysages qui défilent sous ses yeux pour introduire « sa main dans le tréfonds de son crâne », pour palper « son dedans ».

Clotilde examine ses souvenirs, donc. Elle retrouve, dans son enfance, les premières traces de son amour pour la poésie. Elle fait advenir le stigmate qui l’obsède, le meurtre de sa mère par son père et le suicide de ce dernier ; dont elle retient que « la résilience, il serait temps de l’admettre, c’est rien que des conneries ». Elle se souvient de la jeune adolescente qu’elle fut, et dont « le cœur saignait tout le temps parce que le mot maman n’était plus, ne serait plus, jamais, non, jamais, prononcé ». Elle évoque aussi sa maladie mentale, la bipolarité, son activité passée de « travailleuse du sexe » – terme auquel elle préfère celui de « pute », plus directement descriptif. 

Mais si Clotilde, pour qui l’écriture est « un outil de vengeance et de réparation », se rend à Heidelberg, c’est pour purger le souvenir d’une histoire d’amour. Déçue par ses relations passées avec des hommes, confrontée à la difficulté de rendre compatible son « féminisme radical » avec « une histoire d’amour hétérosexuelle », elle est longtemps restée célibataire et abstinente.

Puis, alors qu’elle est en résidence à la Villa Médicis, à Rome, Clotilde rencontre Guillaume. Ils deviennent furtivement amants, mais surtout s’écrivent, se composent des vers, se racontent, s’inventent, se surnomment « la Reine » et « le Monstre ». Guillaume se dit homosexuel mais qu’importe, ils pratiquent ensemble, huit mois durant, une « forme d’autofiction » ; jusqu’à ce que Clotilde découvre que le partenaire poétique dont elle est tombée éperdument amoureuse vit en couple avec un homme. 

« Ainsi Clotilde se dit qu’en fait, poésie et amour ne menaient qu’au naufrage : cernés par la Beauté, l’épiderme et les sens flattés par l’éclairage poussaient toujours les amants à devenir un mensonge. »

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Malgré les dix années de silence qui suivent sa découverte, un simple message du Monstre suffira à la Reine pour retomber dans les affres de sa passion. Clotilde perd la raison, épuise ses dernières forces à chercher la solution à cette insoluble relation épistolaire : elle l’aime follement, mais Guillaume est toujours gay, et toujours en ménage avec un homme. Alors que son train se rapproche inexorablement de Heidelberg, elle doit pourtant trouver le moyen d’enterrer cette passion contrariée – et d’enfin, retrouver son équilibre.

« Est-ce que ça peut mourir, le souvenir d’une histoire d’amour ? Est-ce qu’un trou dans le ventre ne demande pas qu’à s’ouvrir en dépit des sutures qui l’ont cicatrisé ? Est-ce qu’un souvenir vivant à vous trouer le ventre pourrait être de l’amour ? »

Pour acheter le livre :

Pauvre folle, de Chloé Delaume, Seuil, 240 p., 19,50 €. En librairie le 18/08/2023. Le trouver dans une librairie indépendante >


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Sophie Benard

Sophie Benard

De formation philosophique, Sophie Benard est désormais critique littéraire (Le Monde des livres) et journaliste (Slate, Les Inrocks).

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Sujets :  critique littéraire

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