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« Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie » : signification et origine du proverbe

Pour approcher le proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie », il est vivement recommandé d'avoir bien en tête une caractéristique fondamentale des « parémies » (nom savant donné à toutes les formes de proverbes) : la vérité des proverbes n'est pas la vérité vraie !

« Ce sont des selles à tous les chevaux », disait d'eux Alfred de Musset. Sous l'autorité de leur forme de vérité générale (il faut / il ne faut pas ; mieux vaut), de constatation dûment fondée sur l'expérience (souvent, toujours), d'inférence inéluctable (« Qui vole un œuf, vole un boeuf »), on peut leur faire dire tout et son contraire (« Mieux vaut tard que jamais » versus « Il ne faut pas remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même » ; « Tel père, tel fils » versus « À père avare, fils prodigue »).

De fait, les proverbes constituent surtout le reflet des croyances et des mœurs de l'époque qui les engendre. Or, l'image de la femme au XVIe siècle, où l'on situe la naissance de « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie », est peu flatteuse, ou, plus exactement, aussi peu flatteuse qu'elle l'était déjà au Moyen Âge et qu'elle le sera plus tard, à peu de chose près, au XIXe siècle.

Origines du proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie »

Car, fait exceptionnel dans le monde des proverbes, où leurs auteurs sont plutôt anonymes, on croit tenir l'auteur de celui-ci en la personne d'un roi qui passait pour un grand séducteur : François Ier !

C'est, nous assure-t-on, la phrase que le roi, trompé par l'une de ses nombreuses maîtresses, aurait gravée, par dépit, à l'aide du chaton de sa bague, sur la vitre d'une fenêtre de sa chambre du château de Chambord : « Souvent femme varie, Bien fol est qui s'y fie ».

François Ier et Marguerite de Navarre, 1817
François Ier et Marguerite de Navarre, 1817

On remarque au passage que la formule d'origine née de la main de François Ier, rimailleur à ses heures, comprenait le verbe être : « Bien fol est qui s'y fie » , qui équilibre sa phrase en deux vers rimés de six syllabes chacun (Sou-vent-fem-me-va-rie / Bien-fol-est-qui-s'y-fie), ou en un alexandrin avec une rime intérieure : varie-fie.

Le problème est que la première attestation qu'on ait de cette gravure royale date de l'écrivain Brantôme (1540-1614), qui, bien après la mort de François Ier (1547), en fait le récit dans ses Vies des dames galantes, en précisant que le vieux concierge du château lui aurait montré la phrase écrite sur la fenêtre, mais sous la forme suivante, plus condensée : « Toute femme varie » (Quatrième discours des dames galantes, 1665).

Surpris qu'il manque un bout de la formule que nous connaissons, on continue à suivre le fil de son histoire, et on découvre, dans un second temps, que c'est Victor Hugo qui est à l'origine de la lettre de ce proverbe :

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LE ROI, dans le cabaret, chantant.
Souvent femme varie,
Bien fol est qui s'y fie !
Une femme souvent
N'est qu’une plume au vent !

Victor Hugo, Le Roi s'amuse, IV, 2, 1832

Et le fil continue de se dérouler jusqu'à Verdi qui, reprenant la pièce de Victor Hugo, brosse dans son Rigoletto, en 1851, un duc de Mantoue qui nous assure que :

La donna è mobile
Qual piuma al vento.

Comme la plume au vent,
Femme est volage ;
Est bien peu sage - qui s'y fie un instant.
Tout en elle est menteur,
Tout est frivole ;
C'est chose folle - que lui livrer son cœur.
Femme varie, femme varie,
Fol qui s'y fie - un seul instant…

Verdi, Rigoletto, Acte III

Il y aurait même eu, entre ces versions, une forme intermédiaire, délivrée par le médecin Jean Bernier dans son Histoire de Blois publiée en 1682, lequel assure avoir lu, dans un cabinet jouxtant la chapelle du château de Chambord, « cette rime (…) écrite sur un carreau de vitre avec un diamant de la propre main de ce Prince : Souvent femme varie / Mal habil qui s’y fie ». « Mal habil » ? pourquoi pas, puisque, en sacrifiant le -e final de « habil » sur l'autel de la versification, le compte des six syllabes reste bon !

D'ailleurs, cet « habil » ainsi orthographié n'est pas plus étrange que l'adjectif parvenu jusqu'à nous, « fol » ! Récapitulons : au masculin, l'adjectif est « fou », et au féminin, « folle » (un homme fou, une femme folle), non ?

En fait, la forme de masculin « fol » existait bel et bien en ancien français pour le cas régime, le cas sujet étant « fou ». De même qu'on dit « un bel été », « un mol abandon » ou « un vieil homme », « fol » s'est employé devant un mot commençant par une voyelle ou un h muet. Toutefois, dès le XVIIe siècle, cette forme de l'adjectif est considérée comme vieillie et se fige dans des emplois juridiques : « un fol enchérisseur » (Littré) ou archaïsants, tel « Bien fol est qui s'y fie » (qui témoigne d'ailleurs de la présence indispensable du verbe « est », sinon on aurait eu, devant consonne, « bien fou qui s'y fie ») ou, autre proverbe cité par Littré, « Fol est qui se coupe de son propre couteau ».

À partir du XIXe siècle, on croit régler le problème en prenant l'habitude de mettre l'adjectif masculin après le nom : on ne dit plus un « fol achat », un « fol appel », mais un « achat fou », un « appel fou » - alors qu'on continue à pouvoir antéposer l'adjectif au féminin : une « folle entreprise », une « folle ambition ». Néanmoins, comme le français adore les exceptions qui confirment la règle, on dira encore aujourd'hui un « fol espoir » et un « fou rire » (un « rire fou » ayant un autre sens) !

Signification du proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie »

Si la forme du proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie » exigeait un certain nombre d'explications, son sens, en revanche, est transparent : la femme en général (l'absence d'article devant « femme » suggère qu'on parle en termes génériques de l'engeance « femme » tout entière) n'est pas fiable. L'homme doit se méfier de son inconstance et ne jamais baisser la garde s'il veut conserver sa raison intègre.

Qu'on date le proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie » du XVIe ou du XIXe siècle, l'idée qu'il véhicule, en tout cas, n'est pas neuve. On en trouve la première attestation sous la plume du poète Virgile, dans L'Enéide (IV, 569), où le dieu Mercure apparaît en songe à Énée pour lui conseiller d'abandonner la reine Didon, au motif que « Varium et mutabile semper femina », « la femme est chose variante et changeante, toujours ».

Un discours bien rodé, donc, depuis l'Antiquité : la femme, sujette à des vapeurs et à des crises hystériques, est capricieuse, inconstante, infidèle. Il ne faut pas lui faire confiance car elle n'est pas fiable, c'est une girouette, une plume au vent... Bref, on a compris le message !

Mais cette inconstance est loin d'être le pire des défauts attribués aux femmes par les proverbes, qui ne font finalement que transmettre, en les confortant, les idées radicalement misogynes qui ont cours dans la société. Prêts pour une petite promenade en misogynie proverbiale ordinaire ?

  • « Ce n'est rien, ce n'est qu'une femme qui se noie ». Oudin l'explique ainsi, dans ses Curiosités françoises, en 1640 : « La chose est peu importante. Le vulgaire ajoute : encore dit-on qu'elle est folle. »
  • « Des femmes et des chevaux, il n'en est point sans défaut. » (XVIe siècle)
  • « Une femme ne cèle que ce qu'elle ne sait pas. » (ne cache) (XVIe)
  • « Ce que femme veut, Dieu le veut. » (XIXe)
  • « Femme rit quand elle peut, et pleure quand elle veut. »(XVIe)
  • « Femme et vin ont leur venin. » (XVIe)
  • « Femme et melon à peine les connaît-on. » (avec peine) (XVIIe)
  • « Un homme de paille vaut une femme d'or. » (XVIe)
  • « La femme est un mal nécessaire. » (XVIIIe)
  • « Contre femme point ne débattre. » (XVIe)

...etc. !

Exemples d'usage du proverbe « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie »

Dans son chagrin, il se répétait ces jolis vers de François Ier, qui lui semblaient nouveaux, parce qu'il n'y avait pas un mois que madame de Rênal les lui avait appris. Alors, par combien de serments, par combien de caresses chacun de ces vers n'était-il pas démenti !

Souvent femme varie,
Bien fol qui s'y fie.

Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830)

Ne vous ai-je pas dit toute la sympathie que ma mère avait pour vous ? Souvent femme varie, a dit François Ier; la femme, c'est l'onde, a dit Shakespeare. L'un était un grand roi et l'autre un grand poète, et chacun d'eux devait connaître la femme. Oui, la femme; mais ma mère n'est point la femme, c'est une femme.

A. Dumas, Le Comte de Monte-Christo (1844)

Enfin pour clore cette journée épuisante où j'ai trouvé et perdu mes vingt ans, au moment où je commence à débarrasser la table en grommelant, renonçant à attendre Mme Lenfumé qui avait pourtant promis mais souvent femme de ménage varie, bien folle est qui s'y fie.

Benoît et Flora Groult, Il était deux fois (1975)

Souvent Macron varie, bien fol est qui s’y fie

Mediapart, Souvent Macon varie, bien fol est qui s'y fie

En vacances, souvent femme varie... ses habits.

www.journaldesfemmes.fr, 11/07/2012

Souvent, femme varie, mais c'est rien comparé au virus…

France Inter, Par Jupiter !, 29/01/2021
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Sylvie Brunet

Sylvie Brunet

Sylvie Brunet, auteure de nombreux livres sur la langue française, est "parémiologue", c'est-à-dire qu'elle étudie les proverbes. Elle nous livre ici tous les secrets de nos proverbes préférés.

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