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Prendre des vessies pour des lanternes : définition et origine de l’expression

Au premier abord, il peut paraître plus qu'étrange d'associer l’appareil urinaire à un objet qui prodigue lumière et chaleur… Et pourtant, « prendre des vessies pour des lanternes » est une vieille expression, incongrue, certes, mais plus éloquente qu’on ne le pense. Dans cet article, nous revenons sur les origines médiévales de cette drôle d’expression, pour pouvoir l’utiliser en toute connaissance de cause, et en profiter pour faire le malin aux dîners de famille. Bonne lecture !

Définition de l’expression « Prendre des vessies pour des lanternes »

Cette expression peut avoir plusieurs sens et chacune des interprétations trouve son origine dans l'ancien français. De nos jours, on dit que quelqu'un « prend des vessies pour des lanternes » pour exprimer le fait qu’il se trompe et se fourvoie dans son jugement. Dans cette première interprétation, la vessie et la lanterne sont deux objets de valeur bien différente que l’on confond.

Dans une seconde interprétation, les mots lanternes et vessies sont pris au sens figuré : en ancien français, les lanternes sont des fadaises et balivernes, des contes absurdes. Le terme vessie est alors utilisé en tant qu’il renvoie à un objet vide et creux.  A l’époque, l’expression était d’ailleurs davantage utilisée sous la forme suivante : « vendre des vessies pour des lanternes ». Il faut alors comprendre l'expression dans le sens de « vendre du vent ».

Origine de l’expression « Prendre des vessies pour des lanternes »

Si l’origine de cette expression, propre au français, est aussi obscure, c’est parce qu’elle est en fait apparue au XIIe siècle, dans la seconde partie du Moyen Âge. Ainsi, en fouillant le dictionnaire en ligne de Moyen Français (1330-1500), on retrouve les termes de vessie et de lanterne associés pour exprimer la supercherie :

Et pour faire entendant noir pour blanc et vessye pour lanterne, ilz s'appelloient les princes de Romme la souveraine.

MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 265

Le rapprochement de ces deux termes vient d’une pratique aujourd’hui perdue. A l’époque, les vessies d’animaux - souvent de porc - étaient desséchées et gonflées d’air, d’abord « pour être utilisées au cours de parties de jeu que les fous agitent pour faire du bruit », nous dit le dictionnaire de Moyen Français. Mais ce n’est pas tout, ces poches faites à partir d'organes servaient aussi de sacs pouvant contenir différentes matières, dont du saindoux, du tabac, de l’eau ou de l’huile (elles servaient même parfois de portefeuille, glamour…). 

Aussi, il arrivait que l’on y mette une bougie (la poche étant relativement transparente) afin de s’en servir de lanterne. Et celui qui ne savait pas faire la différence entre une véritable lanterne et une vessie était considéré comme quelqu’un de crédule qui se laisserait abuser par le vendeur. Voilà, nous avons fait la lumière sur la question. 

Pour ce qui est de l’interprétation du mot de lanterne comme d’un conte absurde ou d’une histoire qui ne tient pas debout, on retrouve, dans un dictionnaire d’ancien français l’adjectif suivant : lanternois, et la définition suivante : « qui lanterne, qui dupe ». On dira donc par exemple d’un langage qu’il est « lanternois » lorsqu’il est faux ou qu’il cherche à tromper. 

Exemples d’usage de l’expression « Vouloir le beurre et l’argent du beurre ».

La psychose, elle, est un état chronique de pétage de plombs qui vous fait prendre des vessies pour des lanternes. Les deux principales psychoses sont la schizophrénie et la paranoïa.

Jean-Loup Chiflet, Nouilles ou pâtes : le bon sens des mots, Mots & Cie, 1999, page 68

Ce jour ma vie a basculé de manière irréversible. Je prends des vessies pour des lanternes, les enfants du bon dieu pour des canards sauvages. Je ne fais plus la part du réel et de l’imaginaire.

Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, J.-C. Lattès, 2011

Ainsi l’on se mit à dire, par antiphrase, des propos et des renommées, vrai, sincère, garanti comme une blague à tabac. Au lieu de jabots, il y eut des vessies, soigneusement attifées et gonflées, que les marchands d’herbe à la reine suspendaient dans leurs boutiques, avec bouffettes et pendeloques en soie, à la façon des lanternes chinoises ; de là peut-être aussi le proverbe : Prendre des vessies pour des lanternes.

Auguste Luchet, Les Mœurs d’aujourd’hui, Coulon-Pineau, Paris, 1854, page 82

Ce qui montre que dans la bagarre on peut prendre des vessies pour des lanternes. il m'a pris pour toi, il a pris Cossovel pour Narden.

Enzo Bettiza, Le Fantôme de Trieste, Collection Du monde entier, Gallimard

C'était cependant un chien de berger courageux et qui ne prenait pas les vessies pour des lanternes. L'odeur était épouvantable.

Jean Giono, Ennemonde et autres caractères, Collection Blanche, Gallimard

Nul argument ne vous fera prendre des vessies pour des lanternes. Ne prêtez pas l'oreille à ceux selon qui l'Homme et les animaux ont des intérêts communs, à croire vraiment que de la prospérité de l'un dépend celle des autres ? Ce ne sont que des mensonges.

George Orwell, La ferme des animaux

N'hésitez pas à compléter cet article si nécessaire et à ajouter vos réflexions sur cette expression française en commentaire.

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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